Ce ne sera pas le grand soir. Le Cese, le Conseil d’État, le Conseil national de la transition écologique, les membres de la Convention citoyenne pour le climat, les associations de protection de l’environnement… tous dénoncent le manque d’ambition de la nouvelle loi climat. Restent quelques avancées sur la lutte contre l’artificialisation et quelques précisions sur des dispositifs existants en matière de rénovation énergétique.
Le projet de loi portant « lutte contre le changement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » a été présenté ce 10 février en conseil des ministres. Ce texte d’une soixantaine d’articles doit traduire dans la loi les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.
Il organisé en six titres correspondant aux thématiques traitées par la Convention : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir, auxquels s’ajoute un titre consacré à la protection judiciaire de l’environnement.
Rénovation obligatoire pour… 4 % des passoires thermiques
En matière de logement, la Convention citoyenne pour le climat demandait la rénovation énergétique obligatoire de l’ensemble des bâtiments d’ici à 2040. Le gouvernement n’a retenu que l’interdiction de la location des passoires thermiques (classes F et G) en 2028, soit l’équivalent de… 90 000 logements. La France compterait 4,8 millions de logements très énergivores, selon une étude du Commissariat général au développement durable publiée en septembre dernier. Le décret est déjà paru.
Notons également l’inscription dans la loi de l’opposabilité des diagnostics de performance énergétique/DPE et leur généralisation pour les immeubles collectifs, ainsi que des audits énergétiques obligatoires en cas de vente (art. 39 et 40).
Quelques ajustements ont été apportés côté service public de la rénovation énergétique. L’article 43 souhaite « clarifier l’organisation de ce service » et propose « un accompagnement uniformisé » sur l’ensemble du territoire national, tout en permettant aux collectivités territoriales « d’adapter l’offre de service aux besoins de leur territoire ». Ces guichets devront « recommander de recourir » au conseil architectural délivré par les CAUE (voir encadré en bas). Il s’agit là d’une précision apportée à l’article 22 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte sur les ex-plateformes territoriales de rénovation énergétique (espace FAIRE). La prise en compte de la qualité architecturale serait-elle enfin mise en avant ?
Lutte contre l’artificialisation des sols à tous les étages…
Autre chapitre attendu : les mesures et dispositifs de lutte contre l’artificialisation des sols.
« Est considéré comme artificialisé, un sol dont l’occupation ou l’usage affectent durablement tout ou partie de ses fonctions », précise le projet de texte de loi (art. 48). Dans une précédente version du texte « les surfaces de pleine terre » n’étaient « pas considérées comme artificialisées ». Il confirme en outre l’objectif de réduction par deux du rythme d’artificialisation sur les dix prochaines années par rapport à la décennie précédente (art. 47) et l’objectif « à terme » du Zéro artificialisation nette (art. 48).
Un décret précisera la classification des différents types d’espace, à quelle échelle les définir et les conditions d’application du Zan.
Ces objectifs nationaux de lutte contre l’artificialisation devront être traduits dans les schémas d’aménagement et les documents de planification. Les Sraddet, le Sdrif, le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse… qui ne satisferaient pas aux objectifs, devront être modifiés ou révisés. Les régions concernées disposeront de 6 mois à compter de la promulgation de la loi. Les Scot et les PLU(I) devront être eux aussi modifiés en conséquence, dans un délai de 3 mois à compter de l’entrée en vigueur des documents de planification de rang supérieur (art. 49).
Le texte institue en outre en outre un rapport annuel sur l’artificialisation des sols établit par le maire ou le président de l’intercommunalité (art. 50).
… à quelques dérogations près
Les grands centres commerciaux de périphérie devraient être plus encadrés par la loi. L’autorisation d’exploitation commerciale ne pourra être délivrée « pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols ».
Une dérogation est prévue pour les nouvelles implantations ou les extensions de moins de 10 000 m2. Il devra être fait la preuve que le projet se justifie au regard notamment « des besoins du territoire, eu regard notamment à la vacance commerciale constatée », son insertion dans le secteur d’intervention d’une ORT (opération de revitalisation du territoire) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, « le type d’urbanisation du secteur et la continuité du projet avec le tissu urbain existant », les qualité environnementales du projet, notamment en termes de mixité fonctionnelle et « l’éventuel dispositif de compensation ». Un décret précisera les modalités d’application.
Une ambition modeste, sachant que 90 % des équipements commerciaux font moins de 10 000 m2. La Convention citoyenne pour le climat portait des propositions plus ambitieuses, à savoir « prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines » et interdire toute artificialisation des sols des terres tant que des réhabilitations ou friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles dans l’enveloppe urbaine existante ».
La promotion commerciale aura tout loisir de développer des nouveaux concepts de… 9 999 m2.
Simples encouragements et mesures limitées
« Alors qu’il faudrait tripler le rythme annuel de réduction des émissions et les diviser par 6 d’ici à 2050, les mesures apparaissent souvent limitées, différées, ou soumises à des conditions telles que leur mise en œuvre à terme rapproché est incertaine ». C’est le constat du Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son avis sur le texte, rendu public en janvier.
Même tonalité pour le Conseil national de la transition écologique qui « s’inquiète de la baisse insuffisante des émissions de GES induite par cette loi ». Il demande de « mobiliser les moyens, leviers d’action et outils de politiques publiques nécessaires ».
« Cette loi n’est pas une loi de révolutions », confirme Arnaud Gossement. Pour l’avocat et spécialiste de l’environnement, c’est « pour l’essentiel, une loi de précisions de dispositifs existants et, souvent, récemment adoptés ».
Ultime filtre, le Conseil d’État vient de publier un avis consultatif qui souligne notamment une « analyse des impacts trop souvent superficielle » et dénonce « des insuffisances notables ». Des insuffisances qui alimenteront les débats fin mars en commission à l’Assemblée nationale. La loi devrait être définitivement adoptée en juillet ou, plus probablement, en septembre.
C.R. (FNCAUE)
télécharger le texte du projet de loi sur le site de l’Assemblée nationale
Les CAUE dans la loi
L’article 22 de la loi précise le rôle des CAUE dans les plateformes territoriales de la rénovation énergétique.
« Art. L. 232-2.-Le service public de la performance énergétique de l’habitat s’appuie sur un réseau de plateformes territoriales de la rénovation énergétique.
« Ces plateformes sont prioritairement mises en œuvre à l’échelle d’un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ce service public est assuré sur l’ensemble du territoire.
« Ces plateformes ont une mission d’accueil, d’information et de conseil du consommateur. Elles fournissent à ce dernier les informations techniques, financières, fiscales et réglementaires nécessaires à l’élaboration de son projet de rénovation. Elles peuvent également assurer leur mission d’information de manière itinérante, notamment en menant des actions d’information à domicile, sur des périmètres ciblés et concertés avec la collectivité de rattachement et la commune concernée. Elles peuvent être notamment gérées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, les services territoriaux de l’État, les agences départementales d’information sur le logement, les agences locales de l’énergie et du climat, les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, les espaces info énergie ou les associations locales. Les conseils fournis sont personnalisés, gratuits et indépendants.
Extrait de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
voir aussi notre dossier les CAUE et le conseil en énergie / climat
image : Glacier des Bossons / Patrick Nouhailler / Creative Commos
[publié le 15/02/2021]