La FNCAUE était auditionnée le 17 mai dernier dans le cadre de l’examen par le Sénat du projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » (adopté en première lecture le 4 mai à l’Assemblée nationale).
Dominique Estrosi Sassone, sénatrice et rapporteur pour la commission des affaires économiques du volet « Se loger », (articles 39 à 45 quater) a organisé une table-ronde regroupant des représentants de la FNCAUE (Joël Baud-Grasset, président de la FNCAUE ; Laëtitia Grigy, directrice du CAUE 94, Valérie Charollais, directrice de la FNCAUE ; Caroline Rigaud, chargée de mission de la FNCAUE), d’Amorce[1], du CLER Réseau pour la transition énergétique, et de Flame[2].
Les CAUE dans le projet de loi
La Fédération s’est félicitée du maintien, dans le projet de loi, de l’incitation à faire appel aux CAUE : « Les informations et les conseils délivrés sont gratuits et personnalisés. Ils visent à aider les ménages à élaborer un projet de rénovation énergétique, à mobiliser les aides financières publiques ou privées ainsi qu’à les orienter vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation et, en fonction de leurs besoins, à leur recommander de recourir au conseil architectural délivré par les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement. (…) » (art. 43).
SPPEH et ouverture au privé
L’article 43 précise l’organisation et les missions du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH). Il prévoit en particulier la création d’un « accompagnateur rénov ». Ce nouvel acteur (privé ou public), agréé par l’État, accompagnerait les ménages tout au long de leur projet : nature des travaux, plan de financement, obtention des aides, suivi des travaux, etc.
Pour la FNCAUE, cette ouverture au privé doit être articulée au mieux à l’ingénierie locale, et non concurrentielle. Les missions et interventions de ces accompagnateurs devront être précisées et encadrées, afin de s’assurer de la qualité des projets et d’éviter des dérives tels que le démarchage sauvage et des solutions standardisées inadaptées au bâti existant. La Fédération a posé la question de la garantie de neutralité et d’indépendance des prestataires assurant cet accompagnement lorsqu’ils sont privés. Sans cette complémentarité, des risques de dérives d’un service public en partie délégué au privé sont à craindre.
Si la FNCAUE partage l’ambition gouvernementale de massifier la rénovation des bâtiments, elle constate qu’aucun moyen supplémentaire n’est alloué aux réseaux publics actuels du SPPEH pour augmenter leur capacité d’action en amont de la définition des projets.
La rénovation globale
La FNCAUE a également insisté sur le contenu d’une rénovation performante dite « globale » tel que définie par le projet de loi : réalisée en moins de 18 mois et traitant 6 postes de travaux. Au-delà des aspects énergétiques, un projet de rénovation globale devrait intégrer les nouveaux usages, le confort d’été, l’isolation acoustique, l’adaptation tout au long de la vie de ses occupants, l’accessibilité…
Passoires énergétiques et décence du logement
Article 42-12
Le texte modifie le critère de performance énergétique minimal entrant dans le cadre de la définition de la décence des logements (articles 41 et 42). Celle-ci s’appuiera désormais sur les niveaux de performance énergétique résultant du nouveau DPE (diagnostic de performance énergétique).
Ces dispositions créent une obligation de rénovation des logements classés G avant le 1er janvier 2025. Cette obligation sera étendue à la classe F à compter du 1er janvier 2028, puis à la classe E, au 1er janvier 2034. Les logements qui ne répondraient pas à ces critères aux échéances fixées seront considérés comme non décents et seraient interdits à la location.
C’est à la fois vertueux, notamment dans un contexte de tension immobilière. Peu de propriétaires sont attentifs à cet aspect, considérant que leur logement se louera de toute façon.
Mais considérant cette même rareté et ce besoin croissant, il existe déjà des marchands de sommeil, qui louent sans cadre légal, dans des conditions non conformes au code de l’habitation et de la construction. Cette nouvelle règle pourrait entrainer la disparition de logement locatifs hors d’un cadre légal ; ce qui pose la question des autorités compétentes pour gérer ce sujet.
Un carnet d’information du logement
Le projet de loi crée le carnet d’information du logement (CIL – article 43bis-7-8-10). Mis en place à partir du 1e janvier 2023, le CIL sera établi par le propriétaire, à l’issue de la construction du logement ou de travaux de rénovation ayant une incidence significative sur sa performance énergétique. En cas de vente, ce carnet sera transmis au nouveau propriétaire. La Fédération a jugé ce dispositif intéressant, mais a questionné la sénatrice sur l’autorité et les modalités de vérification de celui-ci. Elle a posé également la question de qui pourra être habilité à renseigner ce carnet.
Le droit de surplomb du fonds voisin
Le projet de loi introduit un droit de surplomb du fonds voisin (article 44bis-2), destiné à faciliter les travaux d’isolation par l’extérieur d’un bâtiment en limite de propriété, en empiétant d’au plus 50 cm sur la propriété voisine. Le législateur entend ainsi régler des problèmes de voisinage objet de nombreux contentieux. Ce nouveau droit est autorisé « lorsqu’aucune autre solution technique ne permet d’atteindre un niveau d’efficacité énergétique ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs ».
Le texte ne précise pas comment le démontrer. Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de cet article. La FNCAUE a également questionné sur l’application de cet article au domaine public.
Les travaux en commissions se poursuivent. Le projet de texte de loi sera examiné par les sénateurs à partir du 15 juin.
[1] Association de collectivités, gestion des déchets, réseaux de chaleurs, gestion locale de l’énergie
[2] Fédération des agences locales de la maîtrise de l’énergie et du climat