Contribution sur l’accompagnateur rénov’ : pour un accompagnement à la rénovation énergétique au service de l’intérêt général
Dans le cadre de la concertation nationale qui s’ouvre à l’initiative du Gouvernement, notre collectif de 10 acteurs représentant les associations d’élus et de collectivités territoriales (AdCF, ADF, ANPP, France Urbaine, Régions de France) et les têtes de réseau de l’ingénierie territoriale (AMORCE, ANIL, CLER – Réseau pour la transition énergétique, FLAME, FNCAUE) propose la présente contribution sur la définition du nouveau rôle d’accompagnateur rénov’ au regard de son impact et de son articulation avec l’organisation du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) de manière générale.
Un nouveau rôle d’accompagnateur rénov’ défini dans la loi
Les députés ont voté dans le cadre du projet de loi Climat & Résilience en discussion la création d’un nouveau rôle d’accompagnateur rénov’, qui devrait être agréé par l’État, visant à généraliser l’accompagnement des ménages vers la rénovation performante.
Si le fait que l’accompagnement soit identifié comme un maillon-clef de la politique de rénovation performante est une bonne nouvelle, ce nouveau rôle d’accompagnateur rénov’ va en revanche avoir un impact conséquent sur le SPPEH coordonné par les régions et mis en œuvre par les collectivités et leurs partenaires.
En tant que têtes de réseau comptant les porteurs associés du programme SARE et plus de 150 Espaces Conseil FAIRE (ECF) adhérents disposant d’une expérience aguerrie de 20 ans en matière d’accompagnement à la rénovation énergétique, nous nous retrouvons à partager une vision globale de l’accompagnement à la rénovation énergétique au service de l’intérêt général et souhaitons apporter des éléments de réponse et soulever des points de vigilance pour parvenir à structurer de manière cohérente cette brique essentielle de la politique publique de rénovation énergétique.
5 grands principes à prendre en compte pour définir l’accompagnateur rénov’
Afin que le nouveau rôle d’accompagnateur rénov’ s’intègre de manière pertinente dans l’existant et réponde bien aux objectifs qui lui sont assignés, nous proposons que 5 grands principes soient respectés : un cadre concerté au plan régional dans le respect des compétences des collectivités, une articulation adéquate entre acteurs du SPPEH, la neutralité et l’indépendance de l’accompagnement, des financements pérennes et bien calibrés, ainsi qu’un nouveau rôle défini dans le sens de l’intérêt général.
Un cadre concerté au plan régional dans le respect des compétences des collectivités
Les régions, cheffes de file en la matière, doivent conserver la coordination du SPPEH en partenariat avec les collectivités pour sa mise en œuvre, afin de garantir l’indépendance de l’accompagnement et son articulation avec les politiques de l’habitat et climat-air-énergie. Un conventionnement entre les accompagnateurs rénov’ et la collectivité de mise en œuvre du SPPEH (en plus de l’agrément de l’État) doit pouvoir être mis en place sur demande de la collectivité.
Une articulation adéquate à définir entre les acteurs composant le SPPEH
Avec l’arrivée de ce nouveau rôle d’accompagnateur rénov’, il est encore plus nécessaire de définir une répartition claire du rôle de chaque acteur du SPPEH.
En particulier, il existe actuellement une confusion sur la répartition des rôles entre acteurs publics et privés, tout au long du parcours de rénovation. La concurrence entre les types de conseil et d’accompagnement doit ainsi cesser. Le projet de loi climat résilience d’ailleurs apporte à ce titre de la confusion concernant la définition de l’accompagnement1, qui doit être clarifiée d’ici l’adoption finale du texte de loi. Le SPPEH doit également garantir une égalité d’accès à l’information (technique, financière, juridique, fiscale…) sur l’ensemble du territoire.
De plus, pour garantir l’intérêt général :
● l’accompagnement doit être conditionné à un passage par un guichet unique porté par un ECF, qui qualifiera la demande du particulier avant de renvoyer vers un accompagnateur rénov’ ;
● le guichet unique doit conserver un rôle de suivi en tant que tiers de confiance auprès des ménages tout au long du projet de rénovation et doit donc pouvoir être consulté à tout moment par les ménages ;
● de même que les ECF ont un rôle d’animation des professionnels du bâtiment et des acteurs de l’immobilier, ils pourraient avoir ce même rôle auprès des accompagnateurs rénov’.
Une neutralité et une indépendance des accompagnateurs rénov’ à garantir
Un acteur réalisant les travaux ne peut être à la fois juge et partie en accompagnant également ces mêmes travaux. L’accompagnateur rénov’ doit être neutre et indépendant, donc la séparation entre l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) et la maîtrise d’œuvre (MOE) doit être obligatoire.
Des dérogations pourraient toutefois être introduites si besoin (ex : sociétés de tiers financement), mais les opérateurs devront dans tous les cas être indépendants des fournisseurs d’énergie, fournisseurs de matériaux, artisans, entreprises générales du bâtiment.
Des financements du SPPEH à pérenniser et à bien calibrer
Si le programme SARE a le mérite de donner une visibilité à court terme pour le financement du SPPEH, un service public doit par définition bénéficier de financements pérennes, à rebours de l’instabilité de ces dernières années.
Nos organisations plaident ainsi pour la mise en place d’un financement permanent et bien calibré pour le SPPEH, afin d’en garantir la pérennisation, la transparence et l’efficacité.
En outre, le dimensionnement du financement doit être adéquat à la fois pour le guichet unique (porté par les ECF) et l’accompagnement. En effet, alors que plus de 500.000 rénovations doivent être accompagnées chaque année pour atteindre les objectifs, au moins autant de ménages doivent pouvoir passer par un ECF,
Dans l’article 43, l’alinéa 8 mentionne que « les guichets proposent un service indépendant d’information, de conseil et d’accompagnement des maîtres d’ouvrage privés », tandis que l’alinéa 10 précise que « la mission d’accompagnement est réalisée par des opérateurs qui sont agréés par l’État ou un de ses établissements publics qu’il désigne ». avec des financements à calibrer en conséquence.
Une définition qui doit aller dans le sens de l’intérêt général
L’arrivée de nouveaux acteurs sur le segment de l’accompagnement ne doit pas remettre en question le SPPEH et ses grands principes d’indépendance, de neutralité, de continuité et d’universalité mis en place par les collectivités depuis 20 ans.
Ainsi, une définition adéquate des accompagnateurs rénov’ est primordiale pour garantir que ce nouveau rôle ira dans le sens de l’intérêt général. La définition devra ainsi permettre notamment de mobiliser et sensibiliser prioritairement les ménages les plus modestes, d’encourager les rénovations les plus ambitieuses et de garantir la neutralité et l’indépendance.
La rénovation énergétique répond à des enjeux environnementaux, sociaux et sanitaires majeurs. Elle est également essentielle dans une perspective de zéro artificialisation nette, par la remise sur le marché locatif de logements anciens rénovés.
[publié le 12/07/2021]