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Amélioration énergétique des logements : on rénove ou on renonce ?

Le gouvernement se donne-t-il les moyens de ses ambitions ? Après avoir annoncé une « massification » de la rénovation énergétique des logements existants, le dispositif d’accompagnement et d’aides publiques ne sera finalement pas renforcé à la hauteur des enjeux. Pour Joël Baud Baud-Grasset, président de la Fédération nationale des CAUE, ce manque de moyens...
Architecture et Construction

Le gouvernement se donne-t-il les moyens de ses ambitions ? Après avoir annoncé une « massification » de la rénovation énergétique des logements existants, le dispositif d’accompagnement et d’aides publiques ne sera finalement pas renforcé à la hauteur des enjeux.
Pour Joël Baud Baud-Grasset, président de la Fédération nationale des CAUE, ce manque de moyens risque d’être contre contre-productif à moyen terme sur le les planplans énergétique , économique et fatal pour le paysage de nos villes et de nos villages.

Voilà plusieurs mois que le gouvernement présente comme une priorité la rénovation massive du bâti existant pour lutter contre le changement climatique : augmentation du budget du dispositif d’aides à l’amélioration énergétique des logements (MaPrimeRénov’), mise en place d’un « parcours accompagné » pour l es propriétaires qui entreprennent une rénovation d’ampleur bénéficieront de l’aide d’un professionnel agréé (Mon Accompagnateur Rénov’), de l’analyse du bâti jusqu’à la réception des travaux.

Alors que ces mesures vont dans le bon sens, le gouvernement a renoncé récemment à son ambition initiale. Non seulement la hausse du budget sera moins importante que prévu , mais, sous couvert de simplification, le parcours accompagné sera limité aux ménages bénéficiant des aides les plus importantes, excluant de fait la grande majorité des demandeurs.

Faire rimer quantité avec qualité
Or, nous avons suffisamment de recul sur les politiques publiques de rénovation des logements mises en oeuvre ces dernières années pour alerter sur les risques que ferait courir une massification sans précaution. Chaque projet doit faire l’objet d’une approche globale : une rénovation réussie implique un conseil objectif en amont, une maîtrise d’oeuvre de qualité et un accompagnement jusqu’à la fin des travaux. S’il existe des rénovations exemplaires menées dans les règles de l’art et le respect du bâti ancien ancien, et efficaces sur le plan énergétique, trop de contre contre-exemples jalonnent nos territoires : maisons traditionnelles isolées avec des matériaux imperméables de type polystyrène, alors que des techniques adaptées existent ; changement de menuiseries bloquant toute circulation d’ air à l’origine de moisissures ; logements isolés pour l’hiver, mais transformés en étuve l’été, etc.

Le DPE, un outil inadapté au bâti ancien
Les malfaçons liées à une rénovation mal conçue ou mal réalisée sont bien identifiées. Leurs conséquences sur le bâti apparaissent parfois des années plus tard et génèrent des désagréments qu’on ne peut résorber sans refaire entièrement les travaux. Pour éviter de telles situations, il est nécessaire d’agir à plusieurs niveaux et en tout premier lieu sur le DPE (diagnostic de performance énergétique), sur lequel repose entièrement le diagnostic du bâti , avec le classement de chaque logement selon ses performances énergétiques et la préconisation de travaux :
– or, et sans s’attarder sur les critiques liées à sa fiabilité, le DPE n’est pas adapté aux matériaux utilisés dans les constructions d’avant 1948. Les caractéristiques de ce bâti ne sont pas prises en compte (forte inertie, parois respirantes, etc.), alors qu’elles participent au confort thermique, pour peu qu’on les renforce par des  interventions appropriées. Le DPE incite au contraire à engager des travaux standardisés, issus du modèle de la construction neuve ou de solutions techniques parfois inadapt ées comme l’ isolation par l’extérieur, et etc ;
– il ne précise pas l’état des isolants ou des menuiseries en place ; – enfin, sa compréhension reste problématique pour les particuliers particuliers. Or, c’est en fonction du DPE qu’il est prévu d’exclure les « passoires thermiques » du champ de la location, dès 2025 (logements classés G). Puis viendra le tour des logements classés F et E.

L’intention est louable, puisqu’elle vise à s’attaquer en priorité aux logements occupés par des ménages modestes. Elle risque par contre d’inciter les propriétaires bailleurs qui, malgré les aides, n’auront pas les moyens de faire des travaux, à ne plus louer leur bien et donc à générer de la vacance.  Alors que la sobriété
foncière s’impose enfin dans les territoires territoires, pour protéger la biodiversité et l’agriculture , la pression sur l’habitat existant sera encore plus forte. Dans les secteurs en tension, des îlots entiers risquent d’être rachetés par des promoteurs pour des opérations de démolition démolition-reconstruction. Une évolution désastreuse pour l’empreinte carbone des futurs logements, le patrimoine et le paysage bâti de nos villes !

Une approche globale est nécessaire
Une « mauvaise » rénovation peut être le résultat d’un constat inadapté inadapté, mais aussi d’une absence de vision globale, basée sur le diagnostic du bâti, sa valeur financière et ses usages. Cela implique de mobiliser des compétences spécifiques : un conseil neutre, objectif en amont, une maîtrise d’oeuvre de qualité et un accompagnement du maître d’ouvrage jusqu’à la réception des travaux. Cela suppose aussi de rapprocher les métiers de la construction (architectes, maîtres d’oeuvre) de ceux de l’ingénierie (thermiciens), démarche malheureusement rare en France, et de mieux former à la réhabilitation à la fois les architectes, les
énergéticiens et les artisans. Les CAUE y contribuent en faisant se rencontrer les acteurs de terrain, en les sensibilisant aux matériaux adaptés au bâti ancien (isolants biosourcés, chaux, bois, etc.) et en encourageant la mise en place de nouvelles filières . Dans ce domaine, l’expérimentation et l’innovation sont essentielles essentielles, comme celles menées avec le béton de chanvre.

Une rupture entre le projet et les travaux réalisés
Une autre difficulté majeure réside du côté de la maîtrise d’oeuvre et des entreprises. Dans les territoires, beaucoup de CAUE assistent, impuissants, à une rupture entre l’ingénierie de conseil en amont des projets et la réalisation de travaux. Personne n’évalue la prise en compte du conseil ni ne vérifie que les artisans ont les moyens de mettre correctement en oeuvre les préconisations. Beaucoup sont surchargés, en manque de personnel et peu formés aux techniques requises pour l’habitat ancien. Quant à la qualification RGE (Reconnu Garant de l’ l’Environnement), ses conditions d’obtention vont être assouplies, alors qu’elles ne
donnent déjà que peu de gage sur la qual ité des travaux réalisés !
Dans un contexte où la construction neuve est en chute libre, la rénovation est devenue un marché à conquérir , avec un démarchage parfois agressif agressif. Les propriétaires peuvent rapidement se sentir démunis. D’où l’importance d’étendre le champ d’intervention de Mon Accompagnateur Rénov’, au lieu de ne le
réserver qu’ aux projets de grande ampleur ampleur.

S’assurer que chaque euro investi le soit pour l’intérêt général
La mise en place de Mon Accompagnateur Rénov’ est un tournant encourageant. En ouvrant la voie à un rééquilibrage – encore trop modeste – des subventions vers le conseil et plus seulement vers les travaux comme cela a été le cas jusqu’à aujourd’hui, elle p ermet d’envisager de nouvelles manières d’aborder la rénovation. L’enjeu est double : si pour les ménages il s’agit d’impulser des projets, il faut aussi s’assurer que chaque euro public investi permet de lutter efficacement et durablement contre le changement climatique. Pour l’instant, compte tenu des carences et défauts des dispositifs et avec ces revirements dans les moyens alloués, les conditions ne sont pas réunies. L’effet d’aubaine des primes continuera de saper l’action publique. Et sans l’ambition de former massivement toutes les parties prenantes, la France ne sera pas au rendez-vous qu’elle s’est fixée.

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