De quoi parle-t-on ?
La rénovation du bâti existant est un enjeu majeur de la transition énergétique. Depuis 2009, le label Effinergie Rénovation, qui vise le niveau BBC (bâtiment basse consommation), a été attribué à près de 332 000 logements. La loi Climat et résilience du 24 août 2021 a fixé de nouvelles exigences aux opérations de rénovation énergétique pour que des critères supplémentaires soient pris en compte, notamment en matière d’étanchéité à l’air, de protection solaire ou de vecteurs énergétiques. Le label Effinergie Rénovation a suivi cette évolution en passant en octobre 2021 du BBC au « basse consommation et bas carbone » (tout en conservant l’appellation BBC).
Si le volet énergétique des opérations de rénovation est désormais encadré, l’enjeu de la préservation des qualités architecturales et historiques reste posé en cas d’intervention sur des bâtiments à valeur patrimoniale. L’expérimentation du label Effinergie Patrimoine a été lancée en 2020 par le collectif Effinergie pour répondre à cette problématique. L’objectif était d’étudier simultanément les aspects énergétiques et patrimoniaux tout en veillant à la qualité d’usage des bâtiments, sur une durée de trois ans. La performance énergétique attendue était celle du label BBC Effinergie Rénovation, avec une certaine souplesse pour tenir compte des contraintes propres à chaque projet. L’expérimentation s’est achevée fin 2022.
Cette démarche était ouverte à tous les édifices privés et publics, qu’ils bénéficient ou non d’une reconnaissance préalable de leur intérêt patrimonial (monument historique, secteur sauvegardé, identification par le PLU, etc.).
Elle reposait sur une commission d’experts en énergie, en architecture et en patrimoine chargée d’étudier les dossiers de candidature et d’émettre deux avis :
– Un avis préliminaire se prononçait sur la valeur patrimoniale de l’édifice.
– Un avis consolidé portait ensuite sur le projet de rénovation. La commission se prononçait sur un programme de travaux détaillés (et pas seulement sur des intentions). Seuls les projets de rénovation complète étaient pris en compte, les rénovations par étapes étant exclues.
Effinergie avait passé une convention avec quatre organismes certificateurs, qui devaient intervenir auprès des porteurs de projet lors de la remise du dossier à la commission pour l’avis consolidé. L’attribution définitive du label interviendra à l’issue des travaux, après vérification par l’organisme certificateur que les prestations réalisées sont conformes à celles validées par la commission.
Cette expérimentation a bénéficié du soutien financier de l’Ademe et du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, ainsi que du soutien technique du ministère de la Culture.
La commission d’experts
La commission d’experts était constituée de 16 personnes, parmi lesquelles des représentants de la FNCAUE (les CAUE de Charente et du Val-de-Marne).
54 dossiers de candidature ont été déposés, parmi lesquels 52 ont reçu un avis préliminaire positif. Certains projets n’ont pas poursuivi la procédure et seuls 21 dossiers ont finalement été examinés par la commission : 9 ont reçu un avis consolidé positif, 11 un avis négatif et 1 n’a pas finalisé la démarche. Les projets soumis à la commission représentent une grande diversité d’usages (tertiaire/habitat collectif/habitat individuel), d’époques de construction (du VIIe au XXe siècle), de modes constructifs, de matériaux et de localisations. Cette diversité a permis à la commission d’ajuster le processus d’analyse des dossiers et de s’assurer qu’il était possible d’adopter une méthodologie commune, quel que soit le projet présenté.
Les enseignements de l’expérimentation
- Pour les porteurs de projet
La prise en compte simultanée des aspects énergétiques et patrimoniaux nécessite des compétences spécifiques au sein de l’équipe projet. Si la dimension énergétique (diagnostic et projet) est une démarche désormais classique, avec la présence systématique d’un expert, le volet patrimonial a souvent été sous-estimé.
Plusieurs équipes n’avaient pas de personnes qualifiées pour intervenir sur l’héritage bâti, ou bien l’analyse patrimoniale du bâtiment était trop sommaire. Lorsque les compétences étaient présentes, le manque de coordination au sein de l’équipe pouvait orienter le projet vers des choix préjudiciables au patrimoine, soit parce que le projet transformait tout, soit en raison de travaux ou de matériaux mal adaptés. Certaines solutions performantes sur le plan énergétique peuvent en effet s’avérer désastreuses pour le bâtiment comme pour ses usagers, par exemple en matière de gestion de l’humidité ou de confort d’été.
Si certains bureaux d’études thermiques parvenaient à expliquer le fonctionnement du bâtiment, par exemple sur la base d’une modélisation, d’autres se contentaient de ratios qui n’aboutissaient qu’à une analyse sommaire. La commission estimait alors qu’elle ne pouvait pas avoir une compréhension suffisante du bâti existant. La sensibilité du porteur de projet était aussi très variable.
À la décharge des candidats, le contenu du diagnostic patrimonial a été précisé au fil des dossiers présentés et des compléments d’information demandés par la commission. L’expérimentation a montré, au regard de la diversité architecturale du patrimoine bâti français, l’impossibilité d’établir une grille d’analyse objective et applicable à tous les projets. Le contenu de ce diagnostic est l’un des axes sur lesquels le collectif Effinergie doit travailler pour pérenniser cette valorisation.
Ce diagnostic doit offrir une parfaite compréhension des enjeux patrimoniaux, en traitant de nombreux aspects (étude historique du bâtiment et de ses abords, analyse architecturale et d’authenticité, relevés techniques, analyse des matériaux, etc.) et en tenant compte du caractère souvent unique de chaque édifice. L’objectif est d’établir un « état de référence », sur lequel pourra s’appuyer le projet de réhabilitation pour déterminer les éléments patrimoniaux à préserver et ceux de moindre importance.
Le recrutement d’une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) a aidé certains porteurs de projet à aller jusqu’au bout de la démarche, en assurant les nombreuses tâches : consultation et sélection des professionnels, coordination au sein de l’équipe, montage des dossiers dans les délais, liens avec l’organisme certificateur, etc.
- Pour la commission
La commission travaillait uniquement sur dossier. Ce dernier devait être suffisamment précis pour pouvoir estimer à distance l’intérêt patrimonial de l’immeuble (avis préliminaire), puis la qualité du projet de restauration (avis consolidé). Au cours de l’expérimentation, de nombreux allers et retours ont été nécessaires entre la commission et les porteurs de projet (pour diagnostic incomplet, mauvaise compréhension des enjeux de l’expérimentation par les porteurs de projet, etc.), afin d’obtenir les éléments requis pour statuer.
La commission ne se déplaçant pas sur le terrain, le besoin d’échanges directs avec l’équipe projet, voire de disposer d’un correspondant sur site, s’est fait sentir dans plusieurs dossiers.
- Pour les projets
L’intérêt de l’expérimentation est aussi de faire émerger des techniques de rénovation innovantes. Le dialogue entre experts du patrimoine et énergéticiens, dans un contexte où l’objectif à atteindre (BBC rénovation) bénéficie d’une certaine souplesse pour tenir compte des contraintes patrimoniales, ouvre la voie à des solutions innovantes et sur mesure. L’un des projets en cours de labellisation (Brias) a par exemple été validé par la commission sur la base d’une solution d’isolation des parois par un mélange chaux, chanvre et d’aérogel de silice. La performance thermique de cet enduit, sa faible épaisseur et sa capacité à maintenir les transferts d’humidité dans les murs sont compatibles avec les objectifs du label, autant sur le plan énergétique que patrimonial.
Le label est aussi un moyen d’inciter au dialogue entre experts impliqués dans la rénovation, de faire monter en compétences les professionnels et d’accroître la qualité des projets.
Les suites de l’expérimentation
Au moment de la rédaction de cette note (juin 2023), aucune décision n’a encore été prise sur la suite qui sera donnée à cette expérimentation. La réflexion est en cours au sein d’Effinergie pour passer du modèle expérimental à une version pérenne de cette valorisation. En attendant cette évolution, l’expérimentation étant close, il n’est plus possible de déposer de dossiers de candidature. Les porteurs de projet et les maîtres d’œuvre confrontés à une rénovation à fort enjeu patrimonial peuvent s’inspirer du Retour d’expérience publié par Effinergie.
Quels rôles et opportunités pour les CAUE ?
La pérennisation de cette expérimentation, sous une forme qui reste à déterminer, constituerait pour les CAUE une opportunité pour valoriser leur implantation territoriale et leur expertise en matière de patrimoine architectural. Ils pourraient alors avoir plusieurs rôles à jouer :
- Information
Diffuser l’information sur les possibilités de valorisation des opérations de rénovation énergétique du patrimoine architectural auprès des collectivités, du grand public et des artisans.
- Veille
S’appuyer sur la connaissance des territoires et la veille pour identifier les bâtiments et les projets susceptibles d’être valorisés. Contacter les porteurs de projet pour leur proposer de s’inscrire dans cette démarche.
- Valorisation
Valoriser les projets labellisés, diffuser les pratiques mises en œuvre, capitaliser sur l’expérience et le caractère exemplaire des opérations (fiches projets, visites d’opérations exemplaires, etc.).
- Accompagnement des porteurs de projet
Informer les porteurs de projet sur les enjeux de la valorisation et sur ses critères d’attribution, en insistant sur la nécessité d’une équipe projet aux compétences multiples et, si besoin, sur l’intérêt d’avoir une AMO (coordination de l’équipe, montage des dossiers, etc.). Cet accompagnement peut intervenir plus en amont, en aidant les porteurs de projet à préciser leurs besoins, à définir correctement les usages futurs des bâtiments à restaurer, à participer à l’élaboration du programme, etc. Il peut être envisagé de deux manières : le CAUE est à l’origine de la démarche et du contact avec le porteur de projet ; il répond à une sollicitation d’Effinergie, qui le renvoie vers un porteur de projet qui s’est déjà manifesté auprès d’eux.
- Relais de terrain de la commission nationale
Aider la commission à mieux comprendre les enjeux du bâti qui, souvent, sont spécifiques à chaque territoire. La connaissance approfondie du patrimoine vernaculaire d’un territoire donné est en effet indispensable au travail d’analyse de la commission, ce qui peut faire défaut à ses membres. Ce rôle de relais de terrain de la commission implique une connaissance approfondie du patrimoine bâti, ou bien la capacité de trouver les ressources utiles pour le travail de la commission. Un référent pourrait être désigné dans les CAUE pour assurer cette tâche.
Toutes ces missions sont potentiellement accessibles à l’ensemble des CAUE et peuvent renforcer leur place sur l’échiquier des acteurs locaux de la rénovation du patrimoine. Elles peuvent aussi être portées par d’autres acteurs de l’architecture et du patrimoine dans les territoires (ABF, architectes du patrimoine, parcs naturels régionaux, etc.). Par choix stratégique et/ou opérationnel, un positionnement autour de cette valorisation s’appuierait nécessairement sur la gratuité de l’intervention du CAUE pour le bénéficiaire direct, qu’elle soit rendue possible par la seule taxe d’aménagement ou par celle-ci et un appui complémentaire à son fonctionnement (subvention).
Témoignages
« Le caractère expérimental a permis de regarder chaque projet au cas par cas »
Angélique Sage, responsable technique à Effinergie (entretien réalisé le 16/03/2023)
Chargée de la mise en place et de l’animation de cette expérimentation, Angélique Sage revient sur l’origine de la démarche et sur les évolutions à prévoir pour pérenniser cette valorisation.
« Cette expérimentation est le fruit d’un groupe de travail qu’Effinergie a mis en place en 2017 pour réfléchir à la question de la rénovation énergétique du patrimoine bâti. À côté des experts en énergie, nous nous sommes entourés d’experts en architecture et en patrimoine, parmi lesquels le ministère de la Culture, l’Association nationale des architectes des bâtiments de France, des architectes du patrimoine et la Fédération nationale des CAUE. Les CAUE se sont donc retrouvés au cœur de la démarche, dans le cadre de ce groupe de travail, mais aussi dans la commission mise en place pour analyser les projets. On les a aussi retrouvés dans certains projets candidats, notamment le premier qui a été validé, la mairie de Brias. Avec leur maillage territorial, les CAUE ont l’avantage incontestable de pouvoir désigner partout sur le territoire des référents capables d’éclairer les porteurs de projets sur les possibilités de valorisation.
Nous avions déjà constaté que certaines opérations de rénovation qui avaient obtenu le label Effinergie BBC Rénovation respectaient la valeur patrimoniale du bâtiment. Nous savions donc qu’il était possible d’associer les deux volets, mais on se doutait que, pour certains projets, ce serait compliqué. Sur le volet patrimonial, nous n’étions en effet pas en mesure d’établir une liste de critères objectifs pour l’organisme certificateur. Le caractère expérimental nous a permis d’étudier chaque projet au cas par cas, et donc de garder une certaine souplesse vis-à-vis du niveau BBC Rénovation. Dans les faits, la plupart des projets ont atteint ce niveau de performance énergétique.
La commission prenait en compte le contexte du projet, en jugeant les solutions proposées au regard des caractéristiques patrimoniales, mais aussi des problématiques techniques et économiques qui se posaient. Au début, nous pensions que les porteurs de projet fourniraient systématiquement un diagnostic patrimonial… ce qui n’a pas été le cas. Nous avons alors rapidement fait évoluer les règles pour le demander, mais chaque porteur de projet avait sa propre définition de ce que devait être ce diagnostic. Définir plus précisément son contenu fait partie de nos réflexions pour la suite. Peut-être faudra-t-il alors distinguer porteurs de projet privés et publics.
Nous avons tous beaucoup appris de cette expérimentation, autant les experts de la commission que les porteurs de projet, mais le modèle utilisé ne peut pas être pérennisé, notamment pour des raisons économiques. Elle a été montée avec des financements de l’Ademe et de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), pour dédommager les experts, et nous ne pouvons pas demander aux porteurs de projet de payer pour cela, en plus du coût de la certification. Les organisateurs certificateurs sont par ailleurs des entités indépendantes certifiées par le Cofrac. Ils doivent traiter chaque projet de la même façon, sur la base de critères objectifs. Aujourd’hui, nous avons beaucoup d’idées pour la suite, mais il nous reste deux sujets à traiter : le cadrage du diagnostic patrimonial et trouver une solution pour pérenniser la valorisation. »
« Le label donne de la visibilité aux projets et fait émerger des solutions innovantes »
Florian Deryckere, architecte, CAUE du Pas-de-Calais (entretien réalisé le 17/03/2023)
Le CAUE du Pas-de-Calais a accompagné deux communes candidates au label expérimental Effinergie Patrimoine. D’abord suivies par Jean-Pierre Legrand, ces opérations ont ensuite été prises en charge par Florian Deryckere et Marie-Cécile Lombard.
« La commune de Brias avait sollicité le CAUE, car elle souhaitait rénover un ancien presbytère qui abritait la mairie et un logement à l’étage. Les élus avaient déjà rencontré des bureaux d’études thermiques qui leur avaient conseillé de faire une isolation par l’extérieur. Ils avaient été surpris par cette proposition, car ils avaient conscience que, bien que modeste, le bâtiment avait de vraies qualités architecturales.
C’est sur la proposition du CAUE que la commune s’est lancée, la première, dans la démarche Effinergie Patrimoine. Pour les petites communes qui ne possèdent pas d’ingénierie, la labellisation est un gros travail. Le CAUE a donc aidé la commune en effectuant des recherches historiques sur le bâtiment et en l’accompagnant jusqu’à la sélection du maître œuvre, architecte du patrimoine. Le CAUE s’est ensuite mis en retrait pour adopter un rôle de » faiseur de mémoire « , avec des vidéos et des photos du chantier. L’objectif est de diffuser des outils de sensibilisation auprès des maîtres d’ouvrage et des professionnels de l’architecture et de la rénovation énergétique.
Le CAUE a aussi accompagné le dernier projet de l’expérimentation, porté par la commune de Blangy-sur-Ternoise, en l’incitant tout d’abord à participer à la démarche de labellisation. Mais l’expérience de Brias ayant demandé un investissement important de la part du CAUE, nous avons proposé aux élus de recruter une AMO spécialisée dans le patrimoine. Il restait en effet peu de temps pour monter les dossiers avant la fin de l’expérimentation. Le CAUE les a accompagnés dans la sélection de cette AMO, dans la réflexion sur les abords du projet, etc.
Le label donne de la visibilité aux opérations, mais ce qui est surtout intéressant, c’est la démarche de projet qui est derrière. Dans un projet classique, l’architecte peut se dire qu’il laisse le bureau d’études thermiques choisir les isolants, mais dans ce type de projet, il ne peut pas se le permettre… C’est ce lien étroit entre la réflexion architecturale et patrimoniale et le travail des bureaux d’études techniques qui a abouti, à Brias, à une solution d’isolation par l’intérieur innovante, à base d’enduit chaux chanvre mélangé à de l’aérogel de silice. Cette technique offre des performances thermiques très élevées pour une faible épaisseur, tout en préservant la capacité des murs à réguler l’humidité. Une grande attention a également été portée à certains éléments, comme le système très ancien de volets roulants, qui va être restauré, les verres à croisillons remis en place ou les sols d’origine en pierre, démontés puis reposés après isolation.
Ces démarches expérimentales montrent que le CAUE a un rôle important à jouer dans la sensibilisation des communes pour concilier préservation du patrimoine et amélioration des performances énergétiques du bâti. Il est un soutien des collectivités par sa connaissance du territoire. Il les accompagne également dans le choix d’une AMO ou d’une maîtrise d’œuvre adaptée. »
« L’approche patrimoniale rejoint le point de vue des experts en énergie et en environnement »
Franca Malservisi, architecte, CAUE du Val-de-Marne (entretien réalisé le 02/05/2023)
Franca Malservisi a suivi l’expérimentation Effinergie Patrimoine en participant aux groupes de travail de l’expérimentation et à la commission d’experts.
« Le CAUE du Val-de-Marne a participé à la commission du label expérimental pour deux raisons. La première est que, disposant d’un pôle énergie, nous avions l’habitude de traiter des questions de rénovation thermique du patrimoine bâti. La deuxième est que nous avions déjà travaillé avec la Drac Île-de-France sur ce sujet.
Cette démarche répond à un enjeu très important. Dans beaucoup de situations, le lien entre la préservation du patrimoine et l’amélioration thermique des bâtiments est vécu comme un conflit, par exemple dans le cas d’une isolation thermique par l’extérieur (ITE). Cette expérimentation Effinergie Patrimoine montre qu’il est possible de faire autre chose, que l’ITE n’est pas la seule solution. Ce qui m’a beaucoup plu dans le travail de la commission, c’est que l’approche patrimoniale basée sur l’histoire du bâtiment, sa qualité constructive, etc., rejoignait le point de vue des experts des questions thermiques et de réduction des gaz à effet de serre. La pierre est un matériau géosourcé et tout le monde était d’accord pour la garder, autant pour des raisons patrimoniales qu’environnementales. Mais cela concerne aussi l’intérieur des bâtiments. Conserver des sols, des radiateurs, des portes ou du mobilier de qualité, c’est aussi intéressant du point de vue de la préservation des ressources. Nous étions tous sur la même longueur d’onde. Ce label permet aussi de faire évoluer l’approche patrimoniale, alors qu’il a peu de protection officielle qui s’intéresse à ces éléments, excepté le classement.
Le diagnostic patrimonial est donc très important. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur son contenu. On a envie de faire la liste de tout ce qu’il faudrait préserver, mais cela peut être très long et exagéré pour certains bâtiments, ce qui peut décourager les porteurs de projet. Il faut mettre l’accent sur les enjeux du bâtiment, sans demander de choses disproportionnées. D’où l’intérêt d’avoir à ce moment un conseil extérieur, que peut apporter un CAUE, pour aider à monter le dossier, notamment dans le cas de petits porteurs de projet qui n’ont pas forcément d’ingénierie ou de gros moyens à leur disposition. »
« Un label est un cadre qui permet de structurer une démarche »
Grégorie Dutertre, directrice, CAUE de Seine-et-Marne (entretien réalisé le 17/05/2023)
Grégorie Dutertre nous donne son point de vue sur l’intérêt de la labellisation et sur le rôle que pourraient jouer les CAUE dans le développement et la mise en œuvre de cette nouvelle certification.
« L’expérimentation Effinergie Patrimoine croise toutes les inquiétudes que l’on peut avoir lors de la rénovation du bâti ancien. Le risque est en effet de ne pas être suffisamment attentif aux caractéristiques constructives et culturelles du bâtiment sur lequel on intervient. Pour l’instant, si le propriétaire n’est pas lui-même conscient de ce qu’il peut dégrader, rien dans les politiques publiques ne l’aide à ce niveau. Le DPE, par exemple, n’est pas du tout adapté à ce type de bâti.
Un label est une façon de faire monter en compétences les professionnels. Il imprègne les réseaux de maîtres d’œuvre et, après sa diffusion, il n’est plus forcément nécessaire. Il y a quinze ans, tout le monde voulait son label HQE, mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. D’ailleurs, au CAUE de Seine-et-Marne, nous ne suivons plus de projet de labellisation de construction neuve ou d’aménagement durable depuis déjà quelques années. Le problème d’un label est aussi que, pour les porteurs de projet, c’est une dépense de plus, puisqu’ils doivent payer l’organisme certificateur.
L’intérêt du label est qu’il offre un cadre qui permet de structurer une démarche pour atteindre des objectifs. Le projet en soi, ce n’est pas le label, c’est la rénovation. Informer sur cette démarche, ce sera aussi informer sur les objectifs de la rénovation patrimoniale et énergétique. Pour cela, l’accompagnement que pourrait apporter un CAUE devrait commencer très en amont du projet, pour aider les maîtres d’ouvrage à identifier leurs besoins et à les hiérarchiser pour essayer d’optimiser au mieux l’usage futur du bâtiment. C’est d’abord un arbitrage politique. Ensuite, nous pouvons les aider à réaliser un état des lieux, à évaluer l’état sanitaire du bâtiment, à établir le programme des travaux, à trouver le bon maître d’œuvre ou à recruter une AMO. »