Communiqué du Président de la FNCAUE
La nouvelle de la disparition de Valéry Giscard d’Estaing provoque chez moi de la tristesse, mais aussi une certaine nostalgie. Nostalgie d’un pays en pleine période de modernisation et de réorganisation. Une époque où les questions de culture, d’environnement et d’aménagement du territoire ont été mises au centre des débats nationaux et des modes d’intervention de l’État dans les territoires. Giscard, c’est la création du grand ministère de l’Environnement et du Cadre de vie sous l’autorité de Michel d’Ornano. C’est aussi une grande politique du Logement avec un changement de paradigme radical : la fin des grands ensembles et l’incitation des Français à accéder à la propriété. Giscard, c’est enfin et surtout, pour nous, un intérêt certain pour la culture et la fameuse loi sur l’architecture de 1977 qui a réorganisé la profession et institué les CAUE.
La loi sur l’architecture ne s’est pas faite en un jour. De nombreux évènements ont scandé cette longue marche , comme nous le rappelait, lors de nos 40 ans en 2017, Julien Giusti, l’un des pères fondateurs des CAUE au ministère de la Culture : « cette longue marche qui a façonné la loi de 1977 a été portée par le ministère de la Culture : le conseil restreint de l’Élysée de 1975 qui a défini les grands axes de la future loi, des débats publics vigoureux (manifestation des architectes au Palais Royal en 1975 emmenés par Alain Gillot, président de l’Ordre des architectes), l’opposition des ministres de l’Équipement Guichard, Chalandon ou Gallet, l’adresse du Premier ministre Chirac aux architectes à Villeneuve-lès- Avignon, l’intervention du président Giscard d’Estaing au Symposium de l’UNESCO en septembre 1977, les nombreux amendements parlementaires ».
La loi du 3 janvier 1977 affirme que l’architecture est une expression de la culture et qu’en conséquence, la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion dans le milieu environnant, le respect du paysage naturel et urbain ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public. Pour respecter l’intérêt public de la qualité architecturale, trois décisions sont prises :
– Le monopole partiel des architectes pour les constructions publiques et pour les particuliers au-delà d’un seuil de 170m2 (aujourd’hui 150 m2) devient la garantie de la qualité architecturale des constructions.
– En contrepartie, une assistance architecturale gratuite est mise en place pour les constructions les plus modestes ; ces conseils aux candidats à la construction et aux élus locaux seront donnés dans chaque département par un organisme autonome, le CAUE ; l’amendement Josselin précise que leur président sera un élu ; le financement des CAUE sera assuré par une taxe additionnelle à la TLE.
Depuis ces « années Giscard », qui ont très certainement modifié notre pays, les CAUE ont su trouver leur place dans le paysage politique national. Et dans le paysage législatif également puisque quatre lois récentes ont renforcé leurs compétences et leur ont confié des missions en matière d’énergie (loi sur la transition énergétique et la croissance verte), de paysage (loi sur la biodiversité) et d’’aménagement des parcelles ainsi que de formation des élus (loi liberté de création de l’architecture et la patrimoine), et enfin de coordination des schémas sectoriels dans l’élaboration des schémas régionaux SRADDET (loi NOTRe).
Les « années Giscard » sont, pour notre réseau, celui du « temps des pionniers », celui des architectes aux pieds nus allant au-devant des élus locaux et des citoyens pour leur porter assistance dans leurs projets de construction. Les « années Giscard », c’est la création dès 1978 des premiers CAUE, du lancement de la revue L’Écho des CAUE, c’est aussi la création de la fédération nationale des CAUE.
Voilà ce que m’évoque la disparition de Valéry Giscard d’Estaing : un brusque retour sur notre passé certes, mais qui nous rappelle avec force tous les enjeux d’intérêt public portés aujourd’hui par les CAUE.
Joël Baud-Grasset,
Président de la FNCAUE
3 décembre 2020
Le Temps des pionniers : un film de la FNCAUE (2017) sur l’histoire des premiers CAUE dans leur contexte politique et institutionnels
RESSOURCES
Texte de la Loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture (sur Légifrance)
Notre dossier En 2017, les CAUE ont eu 40 ans (histoire des CAUE, de la loi de 1977 et de tous les événements de 1977 à 2017)
Le fonds Valéry Giscard d’Estaing aux Archives nationales / La présidence de la République et l’urbanisme de 1974 à 1981, Thibault Tellier dans Histoire urbaine 2008/1 (n° 21), pages 127 à 136
Lettre de M. Valéry Giscard d’Estaing à M. Jacques Chirac, Premier ministre, sur la protection de l’environnement en matière d’urbanisme, 29 juillet 1976
Une loi sur l’architecture, une loi pour l’architecture : des objectifs au bilan. Communication de Daniel Le Couëdic, mars 2018