De nombreux CAUE accompagnent la mutation actuelle des cours d’écoles. Les surfaces bitumées vides cèdent aujourd’hui la place à des espaces plus naturels et accueillants. Il convient cependant que le processus de requalification soit bien mené, par phases, avec tous les acteurs en présence et avec un professionnel de CAUE.
Les cours d’écoles et de collèges, ces espaces trop souvent vides, aux surfaces bitumées et désespérément planes, parfois plantés de quelques poteaux de sport et de rares arbres. Ces lieux, qui se veulent des espaces d’éveil et de sociabilisation, n’ont pour la plupart rien de stimulant pour les élèves et les enseignants. Les canicules ou les jours de pluie les rendent impraticables au moment tant attendu des récréations ou des activités extérieures. Pourtant, des collectivités territoriales de plus en plus nombreuses s’intéressent à leur requalification, accompagnées dans leur heureuse démarche par des CAUE.
Transformer des cours d’écoles en îlots de verdure et de jeux, accueillants pour la biodiversité et frais les jours de canicule ? La Belgique, et les pays d’Europe du Nord en général, ont été précurseurs dans ce domaine. En France, la ville de Paris a initié un programme et et le CAUE 75 l’a accompagné dans son ambition : ce sont les « cours OASIS » (au nombre de 15 en 2020, puis de 25 en 2021) qui contribuent à la création, en pleine zone urbaine, de réservoirs de biodiversité tout en diversifiant les espaces de jeux pour les enfants. Ces nouveaux espaces améliorent le cadre de vie et les relations entre les élèves. Le processus repose sur l’implication concertée de tous, élèves, parents, enseignants, associations d’animation de temps périscolaires… « Ces cours rénovées, précise la mairie de Paris sur son site, proposent des espaces plus naturels, d’avantage de végétation, une meilleure gestion de l’eau de pluie et des points d’eau, des aménagements plus ludiques et adaptés aux besoins des enfants, des coins calmes et une meilleure répartition de l’espace. Un des objectifs premiers du projet reste l’amélioration du bien-être des enfants. Pensées comme de véritables îlots de fraîcheur au cœur des quartiers, ces cours pourront également accueillir un public plus large en dehors des temps éducatifs, et devenir notamment des « refuges » pour les personnes vulnérables durant les vagues de chaleur ».
Un processus en quatre phases
Face au risque d’augmentation des températures de 1 à 4 °C et à la multiplication des jours de canicule d’ici la fin du siècle, les cours d’écoles et de collèges peuvent jouer un rôle majeur, en zones urbaines comme en zones rurales, si les élus locaux prennent la juste décision de les transformer. La requalification des cours d’écoles et de collèges repose d’abord en effet sur une décision politique de la part de leurs gestionnaires. Ces derniers doivent savoir impulser de nouvelles méthodes de rénovation, impliquant leurs services techniques et misant sur un processus de concertation avec tous les acteurs.
C’est là que la présence du CAUE est utile pour la mise en place des indispensables phases, collectives et participatives, du processus et pour bien préparer la mise en chantier. La transformation d’une cour d’école s’organise généralement en quatre phases :
• La phase de lancement : elle doit impliquer l’ensemble des décideurs (élus, services techniques) et des futurs usagers (enfants, enseignants, parents, associations…). Elle peut être menée sous formes d’ateliers pour dresser un diagnostic complet et commencer à se représenter l’espace à l’aide de maquettes par exemple. C’est la phase pour imaginer, créer, inventer. On travaille sur les usages et les besoins de chacun, sur la place accordée aux filles et aux garçons (lutte contre les discriminations). On y pense aussi la place du végétal, du mobilier de jeu, des reliefs et des volumes. On peut aussi penser à inventorier les matériaux en vue de leur réutilisation : les morceaux de bitume pourront être empilés pour en faire des murets, des palettes pourront être converties en mobilier… La phase de lancement est une véritable étude de faisabilité. Elle se double de la réalisation d’un cahier des charges pour ensuite passer commande à un maître d’œuvre, idéalement un paysagiste concepteur. La compréhension du paysage étant un préalable essentiel au travail des enfants sur leur cour, le CAUE de la Vienne a proposé, pour les deux écoles qu’il a accompagnées, une activité « Land Art » aux enfants.
• La phase de préparation, essentielle également, fait intervenir le maître d’œuvre et les artisans : le bitume est retiré, certains matériaux et plantations sont conservés, les cheminements sont créés tout comme les différentes aires d’activité et les reliefs éventuels. Parfois, il s’agit d’un simple réaménagement, comme celui d’un patio installé dans une école avec l’aide du CAUE de l’Aveyron qui a donné lieu à des ateliers créatifs avec les enfants.
• La phase de réalisation avec l’intervention du maître d’œuvre qui peut se faire en site occupé, pendant les périodes scolaires, pour mobiliser les enfants dans le processus, ce qui oblige les maîtres d’œuvre, avouons-le, à une certaine souplesse dans leur plan de travail ! Les conseils du CAUE est alors précieux pour organiser de tels chantiers participatifs. Les végétaux, choisis avec soin (non toxiques, adaptés au contexte local), sont alors mis en place, tout comme les revêtements de sols, le mobilier de jeu et de repos, et des aires d’habitat pour la petite faune. Le CAUE de la Sarthe, intervenant dans deux collèges, a proposé, pour cette phase, de désigner des « éco-délégués » de classe qui ont travaillé de concert avec le paysagiste tout au long du processus.
• La phase d’ouverture et d’entretien : le jour de la mise en service ou de l’inauguration officielle est l’occasion de rassembler l’ensemble des protagonistes de l’aventure : les élus, les enseignants, les parents, les représentants associatifs, les maîtres d’œuvre… et la presse, pour une journée de lancement qui soude la communauté scolaire voire le quartier ou le bourg entier. C’est aussi la phase de communication qu’il est préférable de prévoir dès le début. Le CAUE de la Sarthe avait suggéré l’appui d’un média local pour accompagner les élèves dans les prises de vues, les interviews, le montage d’un petit film relatant la transformation de la cour. Enfin, il convient de penser déjà à l’entretien de la cour et des végétaux.
Le rôle du CAUE
Fidèle à ses missions fondatrices de conseil auprès des collectivités et de sensibilisation, notamment auprès des publics scolaires, le CAUE s’intègre pleinement dans le processus de projet. N’ayant pas vocation à exercer la maîtrise d’œuvre, il jouera pleinement son rôle dans la définition d’un programme co-construit avec les élèves et les enseignants et accompagnera les élus sur la suite du processus. Cette suite peut prendre différents chemins, en fonction de l’ambition donnée au projet, des moyens alloués et de la capacité de mobilisation des équipes en interne (source : programme CHI-FOU-MI du CAUE du Finistère, voir plus bas « pour aller plus loin »).
Et le coût ?
Comme le précise la fiche méthodologique conçue par le CAUE de la Seine-Maritime (voir plus bas « pour aller plus loin ») « le coût d’aménagement dépend de la nature et de l’ambition du projet. Il peut être réduit en valorisant l’existant, en privilégiant des aménagements simples avec des matériaux de réemploi ou en développant les démarches participatives, qui, en plus de leurs vertus en termes de citoyenneté, permettent d’atténuer les coûts de main d’œuvre ».
D’autres moyens peuvent également être sollicités. Ainsi, grâce au Fonds pour l’Arbre, ce sont près de 250 arbres et arbustes, dont la moitié porte la marque « Végétal local », qui ont pu être plantés dans deux établissements scolaires accompagnés par le CAUE de la Creuse (qui a déjà accompagné au total 2 collèges, 5 écoles élémentaires et 2 écoles maternelles) afin de créer des haies et ainsi accueillir des insectes, notamment des pollinisateurs, des oiseaux et des micromammifères…
A l’heure d’un inquiétant changement climatique, il convient d’en finir avec le « tout-bitume » des cours d’école trop généralisé. En remettant les enfants au cœur de la réflexion et en fédérant l’ensemble des acteurs (élèves, enseignants, élus, concepteurs…), la transformation des cours d’école (primaires ou collèges), avec les conseils d’un CAUE, est l’occasion de faire émerger des espaces nouveaux, généreux, ludiques, naturels et accueillants.
Y.H.
Pour aller plus loin :
Manuel d’entretien des cours OASIS (CAUE de Paris)
Manuel d’utilisation / malette pédagogique Ma cour d’école OASIS (CAUE de Paris)
Présentation du dispositif « Cours CHI-FOU-MI » du CAUE du Finistère
Végétalisation des cours d’école, fiche méthodologique du CAUE de Seine-Maritime
Regarder la cour autrement, ateliers de sensibilisation par le CAUE du Val-d’Oise
Aménagement de la cour du collège Jean-Baufret à Aizances par le CAUE de la Creuse
Sensibiliser les enfants à leur cadre de vie scolaire par le CAUE de l’Aveyron
La transformation de cours d’écoles en images
Cours d’école, le programme OASIS (mairie de Paris / CAUE de Paris), vidéo FNCAUE/Cycle E
[POUR] FAIRE COUR, restructuration participative d’une cour d’école (teaser) par le CAUE de Meurthe-et-MoselleCAUE de l’Aveyron / Les enfants de Sainte-Juliette aménagent la cour d’école